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 Umschulung, réfractaires et déserteurs alsaciens 1940 -1945
 


Des enfants et des adolescents pris dans le labyrinthe de l’internement en Suisse

Huningue : Le Coude rhénan (Dreiländereck) dans l’annexion nazie.

Évasion et refuge en Suisse : des enfants et des adolescents pris dans le labyrinthe de l’internement en Suisse

L’enfant séparé de ses proches par la guerre est de plus en plus perçu, […] comme un sujet qu’il faut à la fois soigner, parce que susceptible d’être traumatisé par la violence du conflit et la séparation, et rééduquer, parce qu’il risque d’être « ensauvagé » par la désintégration des institutions d’encadrement et de protection de l’enfance, à commencer par celle de la famille et de l’école ». CNRS Editions, 2023, p.20-21.

 

Cette citation de Laura Hobson Faure, Manon Pignot et Antoine Rivière, dans l’introduction à leur livre « Enfants en guerre, "Sans famille", dans les conflits du XXe siècle », paru aux éditions du CRNS en 2023, illustre aussi la condition des enfants et des adolescents alsaciens obligés, seuls ou avec leur famille, de se réfugier en Suisse durant la Seconde Guerre mondiale. Placée en épigraphe de mon projet d’intervention lors d’un cycle de conférences, le 6 octobre 2024, elle en annonce les orientations.


Dans l’annexion de l’Alsace par le régime national-socialiste, l’enfant et l’adolescent font d’emblée l’objet d’attentions suivies d’un régime qui entend construire sur eux l’intégration de l’Alsace dans la communauté du peuple et dans l’idéologie nazie. L’éducation reçue à l’école nazie, l’embrigadement dans les mouvements de la Jeunesse hitlérienne détachent l’enfant de sa famille pour l’intégrer dans sa nouvelle famille nationale-socialiste. L’école et surtout les mouvements de jeunes, le service du travail obligatoire pour le Reich, l’embrigadement à 16, 17 ans d’auxiliaires de la Flak (Luftwaffenhelfer) de garçons et de filles tendent au même résultat : séparer les jeunes de leur famille, les faire sortir d’un monde de conception républicaine et humaniste bourgeoise. Pour échapper à l’endoctrinement, une seule solution s’offre aux familles et aux jeunes : c’est la solution périlleuse de l’évasion, évasion de l’Alsace devenue une prison.

 

Pour les plus jeunes, les enfants entre 3 et 14 ans, l’accueil en Suisse commence aussi par un temps de séparation plus ou moins long d’avec les parents. Leur mise en sécurité commence par des mises en danger, non plus physiques, mais psychologiques, morales voire mentales. Pour les jeunes dans la période difficile de l’adolescence, l’accueil en Suisse est gage de sécurité mais rarement d’apaisement. Dans les camps d’accueil, les jeunes sont souvent livrés à eux-mêmes et soumis à des tensions psychologiques. L’hypothèse de mon intervention est que ces temps d’embrigadement, de guerre, de dangers, de fuite, de refuge, de froid, de faim, de contraintes et de vie spartiate, voire de dénuement, de froid et de faim déboussolent, déséquilibrent les jeunes et les mettent en danger. 

 

Daniel Morgen

 

AFS : E 4264# 1985-196# 17912*, dossier de Joseph B. (15 ans et 8 mois)

 

 


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